Le potentiel de l’Afrique en tant que leader mondial du climat : James Mwangi

Alors que les signes avant-coureurs de l’effondrement dû aux changements climatiques sont de plus en plus présents dans notre vie quotidienne, James Irungu Mwangi exhorte la communauté mondiale à considérer la crise climatique comme un catalyseur de changement positif, un changement dirigé par l’Afrique.

Monsieur Mwangi, directeur général du Dalberg Group et fondateur de la Plateforme d’action climatique pour l’Afrique, a présenté cet argument le 12 mai 2022, dans le cadre de Recadrer l’action climatique, le premier événement d’une série de conférences de la Fondation Aga Khan Canada sur la résilience et l’adaptation aux changements climatiques.

De la vulnérabilité à l’opportunité : voilà le thème de la discussion publique animée par James Mwangi à la Délégation de l’imamat ismaili, à Ottawa, sur la transformation du récit climatique en Afrique. Modérée par Sue Szabo, directrice générale de l’innovation et du financement climatique pour Affaires mondiales Canada, la conversation a exploré le rôle de l’Afrique dans l’accélération de l’action climatique mondiale et la mise en œuvre d’initiatives climatiques inclusives et durables. Selon Monieur Mwangi, l’Afrique a aujourd’hui une opportunité de passer à une économie verte inclusive qui ouvrirait des possibilités à différents niveaux de la société dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, la production verte, l’élimination du carbone et l’agriculture régénérative.

Faire de l’Afrique un leader en matière de climat

Tandis que les communautés vulnérables aux changements climatiques, comme les petits exploitants agricoles d’Afrique subsaharienne, subissent les effets de plus en plus difficiles des changements climatiques, M. Mwangi invite les Africains et la communauté internationale à utiliser la crise climatique comme un catalyseur de changement positif.

Les conversations actuelles ont tendance à se concentrer sur « l’argument très légitime selon lequel l’Afrique devrait être indemnisée pour les pertes et les dommages qu’elle subit et devrait être préparée, par l’adaptation et le renforcement de la résilience, aux dommages à venir », dit-il.

« Il faut que cela se produise, c’est évident. Ce n’est pas ce que je suis venu plaider », ajoute-t-il.

Si nous voulons relever le défi mondial consistant à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, M. Mwangi estime qu’il est temps d’investir dans le potentiel de l’Afrique en matière d’action et de leadership climatiques. Faire de l’Afrique un leader climatique dans les efforts mondiaux pour atteindre la carboneutralité pourrait également conduire à la création de moyens de subsistance et à la transformation économique.

Les avantages de l’action climatique en Afrique : les énergies renouvelables et la production verte

Plutôt que de suivre la voie d’un développement à forte intensité d’émissions, une avenue qui n’a pas réussi à sortir la plupart des Africains de la pauvreté ou à renforcer leur résilience climatique, M. Mwangi propose d’investir dans des méthodes de production et de consommation vertes pour aider l’Afrique à faire un bond dans l’économie verte.

« En règle générale, il est plus rapide de produire des énergies renouvelables, dit-il, et les aspects économiques sont très logiques. Le seul problème, c’est que cela coûte environ 50 % de plus au départ. Il s’agit d’un problème d’allocation mondiale des capitaux. »

Pour donner la priorité au financement des énergies renouvelables par rapport aux combustibles fossiles, il faut comprendre l’intérêt de ce virage, non seulement pour les Africains, mais aussi pour la communauté mondiale, affirme M. Mwangi.

L’expansion de la production et de l’accès aux énergies renouvelables aidera les nations africaines à attirer des entreprises qui cherchent à respecter les engagements en matière de fabrication verte. Selon M. Mwangi, l’avantage concurrentiel de l’Afrique consisterait à offrir un environnement de production fondamentalement écologique. L’établissement d’un argumentaire climatiquement intelligent qui inciterait les entreprises à transférer leurs processus de fabrication hors des régions à forte intensité de carbone pourrait contribuer à créer des emplois dignes en Afrique, à diversifier l’offre mondiale et à déclencher « une course vers le haut plutôt qu’une course vers le bas ».

Dépasser la carboneutralité

L’urgence de la crise climatique exige des réductions d’émissions profondes et rapides. Grâce à son niveau d’émissions historiquement faible, l’Afrique a la possibilité de passer d’un niveau d’émissions nettes nulles à un niveau d’émissions nettes négatives en favorisant l’élimination du carbone par des solutions naturelles et techniques, explique M. Mwangi. L’Afrique pourrait ainsi éliminer plus d’émissions de carbone de l’atmosphère qu’elle n’en produit.

Selon M. Mwangi, l’Afrique est un endroit idéal pour l’élimination du carbone à grande échelle, car il est plus judicieux d’installer des technologies d’élimination du carbone dans des pays disposant d’énormes réserves d’énergie renouvelable qui pourraient remplacer les combustibles fossiles pour alimenter les usines d’élimination du carbone.

« Vous cherchez des endroits dans le monde qui ont d’énormes capacités en matière d’énergie renouvelable et qui n’ont pas d’émissions existantes à réduire. Cela ressemble à mon continent d’origine », déclare M. Mwangi.

L’utilisation des crédits carbone en tant que revenus supplémentaires pour encourager les pratiques intelligentes face aux changements climatiques pourrait également ouvrir de nouvelles possibilités constructives sur le plan des moyens de subsistance. Par exemple, avec le soutien d’ONG et de syndicats agricoles, les petits exploitants agricoles pourraient accéder aux marchés du carbone et bénéficier de pratiques d’agriculture régénératrice qui stockent le carbone dans le sol, améliorent le rendement des cultures en restaurant la fertilité des sols et réduisent la dépendance aux intrants synthétiques.

« Il ne s’agit pas de charité, mais plutôt de l’une des méthodes d’élimination du carbone les moins chères qui existent », a déclaré M. Mwangi.

Pour que cette vision devienne une réalité, il a souligné la nécessité de mobiliser le soutien politique, de démontrer l’impact potentiel des investissements sur la résilience climatique au moyen de données probantes et, surtout, d’attirer des capitaux.

Pour conclure, M. Mwangi a partagé son rêve de deux titres de journaux. Il imagine une première page du Daily Nation du Kenya sur laquelle on verrait une femme qui déclare avec joie : « J’ai obtenu 5 000 shillings en augmentant simplement le niveau de carbone dans mon sol », ce qui inciterait tous les agriculteurs à se demander comment ils pourraient eux aussi être payés pour séquestrer du carbone. Puis, il imagine un deuxième titre pour un journal comme le Financial Times : « Les agriculteurs africains pourraient éliminer 300 à 500 millions de tonnes de carbone de l’air chaque année pour moins de 50 dollars la tonne. »

Puisque le Canada a produit 672 millions de tonnes de CO2 en 2020, les efforts des petits exploitants africains pourraient à eux seuls compenser une part importante des émissions annuelles du Canada, tout en produisant des avantages supplémentaires pour ces exploitants dans leur lutte contre les impacts des changements climatiques.

Comme l’a noté Sue Szabo, James Mwangi « a présenté une vision convaincante; ce n’est pas seulement une vision pour l’Afrique, c’est une vision pour la planète ».

Mme Szabo a clôturé la séance en soulignant la nécessité d’agir : « Ce que vous nous avez montré, c’est que les opportunités sont nombreuses et qu’il n’y a plus d’excuses valables pour ne pas en profiter ».

 

Regardez l’enregistrement [disponible uniquement en anglais] :


Recadrer l’action climatique était le premier événement d’une série de conférences sur la résilience et l’adaptation aux changements climatiques.

La série vise à rassembler des praticiens, des défenseurs et d’autres personnes qui souhaitent explorer et discuter collectivement des façons d’utiliser la crise climatique comme un catalyseur pour faire de grands pas en avant dans la résolution des défis complexes liés à la lutte contre les changements climatiques d’une manière qui favorise le développement durable, le bien-être et les moyens de subsistance résilients pour tous.

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