Dépêche du terrain : Relier les points

Le développement international en théorie et en pratique

Julia Tops était stagiaire en partenariats régionaux, et elle travaille à Kampala pour la Fondation Aga Khan Ouganda.


Lorsque je terminais ma maîtrise en développement international, mes professeurs insistaient souvent sur l’importance d’enraciner nos analyses, nos solutions et nos discussions dans des contextes locaux. Cependant, la question suivante ne cessait de me suivre : qu’est-ce que cela signifie pour la vie quotidienne des gens? Bien que j’avais déjà été sur le terrain pour mes études et mes aventures personnelles, ces voyages n’avaient fait qu’effleurer la surface des réalités nuancées des gens. Participer au Programme de stages pour jeunes en développement international m’a aidée à comprendre pourquoi nous devons ancrer notre travail dans les contextes locaux. Cela a commencé au moment où j’ai atterri à l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda.

L’un de mes principaux constats était le décalage entre la façon dont nous parlons des questions de développement à l’échelle mondiale et la façon dont elles sont abordées par les gens sur le terrain.

A wide landscape photo of a sunrise over the city.
En route pour Kampala.

Mon moment charnière s’est produit lorsque je travaillais sur le terrain avec des collègues locaux et des communautés de la région du Nil occidental en Ouganda. J’ai eu la chance de me rendre dans cette partie du pays à de nombreuses reprises, mais un de ces voyages m’a particulièrement touchée. C’est au moment où nous sommes allés donner une formation sur la mobilisation des ressources à une organisation locale de la société civile (OSC) et avons pu discuter – en détail – des problèmes auxquels ces OSC sont confrontées dans leurs communautés.

Two small buildings with thatched roofs, surrounded by trees and foliage. Above them is a blue and pink sky.
Moyo, dans la région du Nil occidental en Ouganda.

Cet atelier de deux jours a eu lieu en décembre 2023 et est né du besoin de renforcer la capacité des partenaires locaux à chercher du financement. Nous avons abordé des sujets tels que l’établissement de priorités thématiques et l’élaboration d’un cadre de programme de référence dans la recherche de donateurs, ainsi que la cartographie des donateurs et la façon de bien interagir avec les donateurs.

Tables with green tableclothes are set up in a well-lit room with high ceilings..
Salle de conférence.

Entrer dans une salle avec quarante participants pour ma première formation officielle en Ouganda était pour le moins intimidant, et cela a soulevé une série de questions : Mon atelier serait-il utile? Était-il conçu d’une manière pertinente, compte tenu des cultures et approches locales? Serais-je capable de créer un espace sûr qui permettrait une véritable discussion?

Mes collègues de la Fondation Aga Khan Ouganda ont ouvert l’atelier par une prière, une allocution d’un agent du gouvernement local et un brise-glace, et mon tour est venu de plonger. Il était important pour moi que ce projet réponde aux besoins et aux attentes de l’organisation partenaire. Le cœur dans la gorge, j’ai donc commencé par une séance de remue-méninges sur les tactiques utilisées, les défis auxquels ils étaient confrontés et ce qu’ils attendaient de cet engagement.

La conversation a démarré lentement, avec de longues pauses qui me rendaient nerveuse. Mais après la séance du matin, certains participants ont commencé à interagir davantage, et cette énergie s’est avérée contagieuse. Cela a commencé entre collègues au sein de la même OSC, s’est étendu aux autres OSC, et finalement entre les OSC, les facilitateurs de la Fondation Aga Khan et moi-même. Des conversations intéressantes ont commencé à s’ouvrir dans ce qui est devenu un environnement sûr, et nous avons finalement manqué de temps.

A group of workshop participants are sitting at a table, writing notes in marker on pieces of poster paper.
La formation à la mobilisation des ressources à Arua.

En tant que chargée de recherche sur les partenariats régionaux, une grande partie de mon travail s’adresse aux partenaires et donateurs potentiels, avec une approche formelle et adaptée. Cependant, cette expérience était rafraîchissante dans son informalité et sa fluidité. J’ai pu aborder des processus généraux de renforcement des capacités comme l’élaboration de propositions, et j’ai eu l’occasion d’en apprendre davantage sur les facteurs contextuels qui influencent le fonctionnement réel des organisations. Nos partenaires locaux m’ont offert leurs connaissances, leur temps et leurs préoccupations, et l’ouverture et la franchise des dialogues m’ont ouvert les yeux et ont permis de surmonter les principaux obstacles. Les OSC ont parlé des contraintes auxquelles elles sont confrontées dans la recherche de ressources. Certaines de ces contraintes étaient attendues ou supposées, mais plusieurs dépendaient en fait du contexte particulier de leur communauté. J’ai eu l’honneur de participer à des discussions sur les réalités délicates auxquelles les OSC doivent faire face et sur leurs expériences à ce jour.

Nous avons pu entrer et sortir de la salle d’atelier tout en restant dans notre hôtel de conférence pour entendre les histoires et les pratiques locales. Ma compréhension de la notion autrefois étrangère de « contexte local » a été consolidée par le travail et les récits de ces OSC partenaires locales. Ma compréhension a dépassé le cadre théorique, et j’ai compris les contraintes auxquelles les OSC sont confrontées en matière de mobilisation des ressources. J’ai eu un aperçu de la façon dont ce travail est effectué et des raisons pour lesquelles les OSC croient qu’il en vaut la peine. Par exemple, une des organisations a pratiqué sa demande de financement auprès des donateurs et, plutôt que de se concentrer sur son expérience de projet à ce jour, elle a plutôt parlé d’une bénéficiaire et de ses aventures pour se rendre à la formation ce jour-là. Le récit était de bon goût, respectueux et émouvant – il brossait un tableau des liens des OSC avec les communautés qu’elles servent. Nous avons découvert que pour les OSC, la clé des discussions avec partenaires et donateurs est dans ces récits. La sincérité est une force, et cela est devenu évident dans la pléthore d’expériences et d’histoires des OSC. La façon de présenter le message est donc la compétence que nous avons perfectionnée.

A large group of participants stand outside for a photo.
Photo de groupe avec les organisations de la société civile et les partenaires locaux lors de la formation.

Dans l’ensemble, cet atelier s’est révélé être une réelle expérience d’échange de capacités. À la fin des séances, dans leurs commentaires, les OSC disaient se sentir habilitées, et je dois dire que le sentiment était mutuel. J’ai beaucoup appris au sujet du contexte, des gens et des perspectives en tant que puissants outils de changement.

J’ai hâte de continuer à apprendre et à m’engager de manière significative avec d’autres points de vue. Cette expérience m’a appris l’importance de fonctionner, de traiter et d’agir de manière réfléchie, tant dans ma vie professionnelle que personnelle.