Sous le couvert des abricotiers : Bâtir une entreprise de fruits au Tadjikistan

Je tiens l’objet dans la paume de ma main, une petite boule ridée et roussâtre qui fait un léger bruit de hochet lorsque je la secoue. Il s’agit d’un fruit très abondant à Zeverdashd, un village tadjik encastré dans les imposantes montagnes Pamir du Tadjikistan et de l’Afghanistan. Ce fruit est au cœur du moyen de subsistance d’un groupe de quinze femmes et de leurs familles.

Moira et les bacs de séchage d’abricots de son collectif.
Moira et les bacs de séchage d’abricots de son
collectif

Je visite un collectif de femmes locales qui produit et vend des abricots séchés. Le groupe est dirigé par l’énergique Moira Mamadnabieva. Elle s’est rendue jusqu’à Turin, en Italie, pour expliquer le fonctionnement du collectif, mais elle semble tout aussi excitée de m’en parler dans sa maison. Lorsqu’elle sourit, les coins de ses yeux sont aussi ridés que ses abricots.

Les membres du groupe ramassent les abricots qui tombent des arbres de juin à août chaque année. Comme nous sommes en juillet, le jus d’abricot gicle sous nos pieds tandis que Moira et moi nous promenons dans son jardin.

De longs bacs en bois protégés de toile plastique abritent des abricots complets qui sèchent tranquillement à l’ombre.

Moira m’explique que les bacs sont placés à l’ombre parce que les abricots qui sèchent au soleil deviennent trop caoutchouteux, tandis que ceux qui sèchent plus doucement à l’ombre atteignent une consistance idéale.

Les abricots séchés sont ensuite empaquetés et étiquetés. Avant de se joindre au collectif, les femmes se faisaient concurrence pour vendre leurs abricots dans les marchés locaux. Aujourd’hui, les quinze membres prennent des tours pour vendre leurs produits, et une partie des bénéfices est réinvestie dans l’entreprise.

Le ruisseau afghan qui se jette dans la rivière Panj.
Le ruisseau afghan qui se jette dans la rivière Panj

Un programme de développement local, soutenu par la Fondation Aga Khan Canada, s’occupe de l’empaquetage et d’autres fournitures, mais auparavant il offrait également aux femmes de la formation sur la façon de calculer le coût de leurs produits, afin qu’elles puissent prévoir un budget pour tous leurs besoins d’entreprise à l’avenir.

Tandis que je marche avec Moira sous le couvert des abricotiers, de gros nuages gris annoncent des averses. Zeverdashd a reçu plus de pluie que d’habitude cette année, bien que l’« habituel » soit en train de devenir de plus en plus inhabituel. Alors que les résidents de Zeverdashd pouvaient auparavant prédire le climat à partir de celui des années précédentes, les changements climatiques ont rendu les choses bien plus imprévisibles. En réponse, des organisations villageoises travaillent avec la Fondation Aga Khan pour intégrer des mesures d’adaptation aux changements climatiques dans leurs plans de développement.

Les efforts de Moira pour parler anglais sont enthousiastes et très appréciés, vu mes connaissances inexistantes en shughni (la langue locale), en tadjik ou en russe. Sans compter qu’elle est assistée par Adab Abdulkodirov, une membre locale du personnel de programme. Le mot anglais que Moira utilise le plus souvent est « plans ».

Hilary (au centre, en rouge) avec Moira et d’autres membres de la communauté.
Hilary (au centre, en rouge) avec Moira et d’autres
membres de la communauté.

Un des plans de Moira est de canaliser de l’eau de source non utilisée venant de l’Afghanistan afin d’irriguer les abricotiers du collectif. Le regroupement possède amplement de terres et de main d’œuvre, mais il manque d’eau pour l’irrigation (et d’eau potable). Zeverdashd est situé en bordure du Panj, une rivière à fort débit. Cependant, cela coûte trop cher de pomper l’eau directement de la puissante rivière. Par contre, sur l’autre rive, en territoire afghan, se trouve un ruisseau cristallin qui descend des montagnes pour venir se jeter dans le Panj. Les collines qui bordent le ruisseau sont trop abruptes pour pratiquer l’agriculture. Le partage de cette source d’eau est donc une réelle possibilité, étant donné que les Comités d’utilisation de l’eau transfrontaliers des deux côtés du Panj, qui jouissent du soutien des partenaires de terrain de la Fondation Aga Khan Canada, gèrent des tuyaux qui transportent de l’eau entre l’Afghanistan et le Tadjikistan, selon les besoins.

Alors que nous sommes attablées sur sa véranda devant un pot de thé vert et des fruits frais aux effluves sucrés, Moira me demande si nous avons de tels fruits au Canada. Comme je viens de la Colombie-Britannique, je lui décris les vergers de la vallée de l’Okanagan. Les questions de Moira la transportent au Canada, et ses plans l’amènent loin dans le futur de Zeverdashd. Étant donné ses efforts et son optimisme, je n’ai aucun doute que cet avenir sera brillant.

Hilary Clauson est une agente de programme avec la Fondation Aga Khan Canada. Hilary était au Tadjikistan afin de visiter des projets dans le cadre de l’Initiative d’appui à la société civile de la Fondation. Ce projet d’abricots a été mis sur pied en partenariat avec le Programme d’appui au développement des sociétés en montagnes, entrepris avec le soutien financer d’Affaires mondiales Canada.

Soutien financier : 

Affaires mondiales Canada