Dépêche du terrain : Collaborer avec les collectivités – L’importance de la recherche inclusive

Victoria Dugdill travaille en tant que stagiaire en égalité entre les genres à Kampala, en Ouganda.


J’avais parfois déploré le fait que faire ma maîtrise pendant la pandémie m’avait empêché de faire de la recherche directement avec les communautés. Pour moi, cela a toujours été l’un des aspects les plus importants de ce genre de travail – collaborer avec les personnes qui sont directement touchées par la recherche – mais j’avais accepté que cela ne serait pas possible pour moi, en raison de la pandémie.

J’étais donc très enthousiaste lorsque, pendant mon stage, j’ai eu l’occasion d’appliquer les compétences en recherche que j’avais développées pendant mes études dans un contexte de recherche sur le terrain avec les communautés locales du Nil occidental, en Ouganda.

Sous-comté de Vurra dans le district d’Arua dans le Nil occidental, en Ouganda.

Cette recherche avait pour but d’approfondir les connaissances sur les intersections particulières des changements climatiques et de l’égalité entre les genres, en étudiant d’une part l’incidence des normes de genre sur la capacité des femmes et des filles à s’adapter aux changements climatiques, et d’autre part les effets des changements climatiques sur les femmes et les filles dans leurs expériences des normes qui leur sont assignées en raison de leur genre.

Les changements climatiques constituent une menace majeure pour les communautés du monde entier, car ils posent de nombreux risques pour le bien-être à long terme. Ils causent des inondations, des sécheresses et de l’érosion côtière pour ne nommer que quelques-uns de ces risques, qui ont chacun des répercussions comme l’insécurité alimentaire, les déplacements, la pauvreté et la diminution globale de la qualité de vie. En outre, bon nombre de ces impacts sont ressentis par les pays et les communautés qui sont le moins responsables de ces changements climatiques, par exemple l’Ouganda, où je fais actuellement mon stage.

Bien que mon stage porte sur l’égalité entre les genres, les changements climatiques sont au premier plan de mes préoccupations depuis un certain temps déjà. Lorsque l’occasion de mener des recherches à l’intersection de ces deux enjeux s’est présentée, j’ai sauté sur l’occasion.

Je suis actuellement basée à Kampala, mais mes recherches m’ont conduite dans le district d’Arua, dans l’État du Nil occidental. Il s’agit d’une région du nord-ouest de l’Ouganda, frontalière du Soudan du Sud et de la République démocratique du Congo. Elle compte une forte présence agricole, qui est fortement affectée par les changements dans les pluies, les sécheresses et les inondations, ce qui a un impact sur les infrastructures et les pratiques agricoles dans la région.

Victoria et Gloria, assistante de recherche, recueillent des données sur les répercussions des changements climatiques auprès des filles du sous-comté d’Ajia.

Avant de partir pour Arua avec ma superviseure Agnes, j’ai voulu en apprendre le plus possible sur le contexte dans lequel je mènerais mes recherches, et j’ai donc exploré des revues universitaires, des rapports et des ressources gouvernementales. À Arua, nous avons rencontré Emilly, Gloria, Kanan et Collins, des assistants de recherche qui ont joué un rôle clé dans l’équipe de recherche.

Emilly, Gloria, Kana et Collins avaient déjà des relations avec les communautés avec lesquelles nous allions mener la recherche, et ils parlaient la langue locale, le lugbara. C’était très important pour le processus, car ce lien plus personnel signifiait que nous n’étions pas là en tant qu’étrangers pour simplement documenter les expériences des gens par le biais de discussions et d’entrevues formelles. De plus, les discussions en lugbara nous ont permis d’échanger avec des personnes qui vivent ces effets et dont la voix n’aurait pas été entendue autrement.

Les membres marginalisés des communautés subissent de façon disproportionnée les tendances mondiales telles que les changements climatiques et sont moins susceptibles d’être entendus au sein de leurs communautés au sujet des enjeux auxquels ils sont confrontés. En outre, les communautés des pays du Sud sont moins susceptibles de faire entendre leurs voix, en raison de facteurs géographiques, sociaux et linguistiques qui réduisent la probabilité que leurs expériences soient transmises, à moins de faire un effort ciblé pour les entendre. Voilà pourquoi, lorsque nous élaborons des programmes de développement, nous devons tenir compte des points de vue, des expériences et des voix des personnes avec lesquelles nous travaillons. Autrement, notre travail risque de ne pas renforcer les communautés comme il le pourrait.

 

De gauche à droite : Emilly, Kanan, Gloria, Collins, Victoria, Agnes.

Le stage m’a permis de réaliser l’importance de mener des recherches dans les communautés, dans leurs langues. Bien que j’avais appris cette leçon déjà sur les bancs de l’université, c’est sur le terrain que j’ai réellement compris l’importance d’impliquer les gens dans la recherche. J’ai réalisé que les connaissances et les expériences d’autrui peuvent nous permettre de tirer des leçons importantes.

J’ai également appris qu’il est normal de se sentir légèrement perdue ou incertaine dans le processus de recherche, surtout pendant la collecte de données primaires. Je ne parle pas lugbara, et je me posais parfois des questions sur la pertinence de ma présence lorsque je ne comprenais rien aux conversations. Cela m’a permis de réellement apprécier l’importance de prioriser les réalités des communautés avec lesquelles nous travaillions. Si la recherche avait été menée en anglais, la plupart des personnes avec qui nous avons parlé au cours de la collecte auraient été exclues. Clairement, leur participation était beaucoup plus importante que ma capacité à comprendre tout ce qui se disait.

J’ai également eu l’occasion d’approfondir ma compréhension des changements climatiques et de l’égalité entre les genres et de voir l’incidence de cette recherche sur le développement. Les programmes doivent avoir des effets positifs sur les collectivités, et c’est en mobilisant ces collectivités que nous pouvons réellement comprendre les problèmes auxquels elles sont confrontées et demander ce dont elles ont besoin. Cela fait en sorte que nous ne sommes pas là à simplement prescrire une solution basée sur notre analyse externe, mais que nous collaborons plutôt avec les communautés que nous espérons soutenir. C’est donc en menant des recherches et en discutant avec les communautés participantes que le développement prend son envol.

Après cette recherche, j’ai eu le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien. Non seulement ai-je pu faire un travail que j’avais cru être hors de ma portée pendant mes études en temps de pandémie, mais j’ai pu faire de la recherche importante qui contribuera à nos connaissances sur les changements climatiques et le genre, et plus précisément sur les interactions entre ces deux domaines.

Victoria et sa superviseure de stage, Agnes Badaru.