À l’échelle mondiale, on estime que 222 millions d’enfants et de jeunes vivant dans des situations de conflit n’ont pas accès à l’éducation.
Que ce soit en raison d’obstacles tels que la destruction d’écoles, la perte d’éducateurs, le déplacement de foyers ou des problèmes de sécurité, sans éducation, les enfants et les jeunes perdent des occasions cruciales d’atteindre leur plein potentiel.
Pour les filles et les jeunes femmes, les conflits et les crises exacerbent souvent les inégalités existantes en matière d’accès à l’éducation. Les filles sont souvent plus exposées que les garçons à l’abandon scolaire en raison de facteurs tels que les grossesses précoces, les mariages précoces, l’exploitation et les abus, le travail domestique non rémunéré et les soins aux personnes.
En raison du conflit qui dure depuis 12 ans en Syrie, de nombreux adolescents n’ont pas bénéficié d’années d’éducation formelle et informelle. Les écoles qui fonctionnent encore sont souvent en mauvais état, et les enseignants sont insuffisamment formés et équipés pour enseigner dans des classes de plus de 40 élèves. Ce sont loin d’être des conditions idéales pour apprendre.
Pour aider certains des jeunes les plus vulnérables de Syrie à rattraper leur retard scolaire, à acquérir les compétences essentielles de la vie quotidienne qu’ils ont manquées et à acquérir des compétences professionnelles, la Fondation Aga Khan met en œuvre l’Initiative pour l’éducation des adolescentes en situation de crise (AGENCI) avec le financement du gouvernement du Canada et en partenariat avec l’Entraide universitaire mondiale du Canada.
L’AGENCI vise à autonomiser les adolescentes et les jeunes femmes qui poursuivent des études à deux moments critiques où elles sont le plus à risque d’abandonner leurs études : le premier est à l’adolescence, pendant la transition entre l’école primaire et secondaire; et le second est dans la transition vers l’âge adulte, de l’école secondaire à la formation professionnelle ou à l’emploi. L’AGENCI relève les défis en matière d’éducation au moyen d’initiatives locales, en travaillant avec les collectivités pour cerner les obstacles et y répondre au moyen d’une combinaison de solutions novatrices et éprouvées.
Lorsque les écoles et les enseignants sont équipés d’outils et de ressources essentiels, ils peuvent faciliter l’apprentissage des élèves, offrir une sécurité physique et psychologique et soutenir les efforts d’harmonie sociale, de consolidation de la paix et de rétablissement à long terme.
Rencontrez deux jeunes impliqués dans l’initiative et un des enseignants.
Pour Leila, 15 ans, l’un des principaux facteurs d’abandon scolaire dans sa communauté est le mariage précoce et forcé.
« Toutes mes cousines se sont mariées jeunes », a expliqué Leila.
Le mariage précoce est un problème répandu en Syrie, même avant le début du conflit, lié aux normes culturelles, à la pauvreté, au manque d’éducation et de sensibilisation. Mais des années de crise prolongée ont conduit à une augmentation significative de cette pratique, transformant le mariage précoce en une stratégie d’adaptation néfaste qui touche le plus les filles. Dans des situations de désespoir et de vulnérabilité, les mariages précoces sont souvent perçus comme un moyen de protéger les filles de la violence et de l’exploitation, et comme une solution aux difficultés économiques en période de conflit (UNICEeF).
À l’école, Leila participe à un club hebdomadaire de compétences de vie, où elle et ses pairs acquièrent des compétences et des connaissances pour prendre des décisions éclairées sur leur avenir. Son club, soutenu par l’AGENCI, couvre un éventail de sujets, notamment la santé et les droits sexuels et reproductifs, la santé menstruelle, l’égalité entre les genres, la violence fondée sur le genre, la littératie financière et l’établissement d’objectifs.
Lorsque Leila a reçu une demande en mariage, elle s’est rendu compte qu’elle n’était pas préparée au mariage et à la parentalité.
« La première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est ce que j’ai reçu et discuté au sein du club, a déclaré Leila. J’ai refusé les fiançailles. J’en ai discuté avec ma famille, et Dieu merci, j’ai pu la convaincre. »
À 11 ans, Amal est née après le début de la guerre et a grandi dans un contexte difficile qui a eu de profondes répercussions physiques, émotionnelles et psychologiques sur son développement et son bien-être.
La pauvreté est l’un des principaux obstacles à l’éducation des enfants en Syrie – de nombreux parents et personnes s’occupant des enfants n’ont pas les moyens de payer l’éducation, et les enfants doivent souvent travailler au lieu d’aller à l’école. Les femmes et les filles comme Amal n’ont souvent pas de pouvoir décisionnel au sein de leur famille et sont confrontées à des attitudes négatives persistantes concernant la valeur des femmes et des filles qui travaillent et étudient.
Amal vit avec sa mère veuve, qui est souvent absente de son domicile pendant de longues périodes à cause de son travail. En raison de l’absence de sa mère et du manque de fonds pour l’école, Amal se comportait souvent comme une enfant et n’allait pas à l’école. Mais après avoir été orientée vers le projet AGENCI, Amal a bénéficié d’un soutien psychosocial et d’informations sur son corps et sa santé, ce qui lui a permis de gagner en confiance et en estime de soi grâce au travail de groupe.
Amal a également pris part aux cours non formels de l’AGENCI et a pu retourner à l’école. La communauté d’Amal s’est également ralliée à elle, lui proposant de payer ses frais de scolarité pour qu’elle puisse poursuivre ses études.
Les cours non formels de l’AGENCI sont offerts dans six centres en Syrie et couvrent des sujets clés tels que les mathématiques, la lecture et le leadership, ainsi que des sujets comme la santé et les droits sexuels et reproductifs, la gestion de la santé menstruelle, l’égalité entre les genres, la violence basée sur le genre et la littératie financière. Ces cours s’adressent aux jeunes non scolarisés et à risque, et les aident à surmonter les obstacles, à poursuivre leurs études et à réussir.
« Je veux participer à toutes les activités du centre… J’adore être ici », a déclaré Amal.
Amir, 32 ans, vit en Syrie avec son épouse et sa fille. Diplômé en enseignement de l’Université de Hama, Amir a travaillé dans des écoles publiques avant de devenir enseignant dans un centre d’éducation non formelle.
En Syrie, les éducateurs manquent d’opportunités de développement professionnel. Avec le soutien de l’AGENCI, Amir a reçu une formation en enseignement inclusif et sensible à l’égalité entre les genres.
« Au début, j’ai refusé les idées et je ne pensais pas que je devais changer ou grandir, a déclaré Amir. Je vois maintenant les choses autrement… Même si cela prend beaucoup de temps, cela a un effet énorme sur eux [les élèves]. »
En aidant les enseignants comme Amir à acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour offrir une éducation sûre, de qualité et inclusive, l’AGENCI favorise une éducation équitable pour les filles et les jeunes femmes, tout en encourageant leur autonomisation. Soutenir des enseignants masculins comme Amir peut également aider à plaider en faveur de l’éducation des filles dans des contextes où les normes socioculturelles agissent comme des obstacles à l’accès.
La formation d’Amir l’a également aidé en dehors de la salle de classe. Auparavant, il avait du mal à communiquer avec sa femme et sa fille.
« Ce que l’AGENCI fait pour moi, c’est que je m’occupe maintenant mieux de ma fille aussi. »
Tous les noms ont été modifiés pour protéger les identités.