De nouvelles opportunités au bout de leurs doigts

Par Tracey Evans, gestionnaire de programme pour la Fondation Aga Khan Canada

La Fondation Aga Khan a des programmes d’éducation un peu partout dans le monde et j’ai souvent entendu parler de salles de classe où se regroupent 80, 100, voire 200 étudiants en même temps. Ces salles de classe bondées peuvent être le résultat d’une nouvelle politique gouvernementale qui garantit la gratuité scolaire pour tout enfant, ou d’un afflux important de réfugiés dans certaines de nos zones de programme à cause de conflits dans un pays voisin. Ce surpeuplement a des conséquences importantes sur la capacité d’apprendre des jeunes élèves : de moins bons acquis d’apprentissage, de moins bonnes notes, un sentiment de découragement et l’envie possible d’abandonner l’école pour trouver un travail informel peu spécialisé.

Lors d’une récente visite à Mombasa, au Kenya, j’ai été témoin d’une autre stratégie utilisée par le corps enseignant pour aider à pallier l’augmentation du nombre d’élèves dans les salles de classe : l’usage de la technologie.

La technologie, que ce soit par le biais d’un portail Web en ligne ou d’une application d’apprentissage hors ligne, donne aux élèves l’occasion d’interagir intimement avec le contenu qu’ils apprennent d’une manière qui pour eux est non seulement excitante et intrigante, mais aussi essentielle pour leur réussite à long terme. Du Kenya au Canada, les compétences technologiques sont de plus en plus essentielles pour réussir au sein de la population active dans le monde d’aujourd’hui. En aidant les enfants à acquérir ces compétences, cela leur permet non seulement de devenir à l’aise avec la technologie et habile à l’utiliser, mais cela peut aussi améliorer leurs acquis dans un environnement qui encourage l’apprentissage autonome – une stratégie essentielle pour bien apprendre tout au long de la vie.

Reconnaissant la valeur que les technologies d’éducation peuvent apporter dans une salle de classe, l’Académie Aga Khan de Mombasa au Kenya a travaillé au cours des six dernières années avec le Centre d’études sur l’apprentissage et la performance de l’Université Concordia en vue de l’utilisation de la Trousse d’apprentissage+ (LTK+) dans les écoles du Kenya. La Trousse est une série de cinq outils numériques éprouvés, fondés sur des preuves, permettant de soutenir le développement de la lecture, du calcul, du questionnement et d’autres compétences essentielles pour les élèves.

Utilisée dans le contexte des salles de classe au Kenya, la Trousse s’est avérée efficace pour accélérer l’apprentissage. Après avoir visité quelques salles de classe où l’on utilise ces outils, il était facile de comprendre pourquoi!

La première salle de classe où je me suis rendue était au maximum de sa capacité, avec 131 élèves assis sur le sol sans pupitre ni chaise. Malgré le manque flagrant de ressources, grâce à la politique One Laptop Per Child (un ordinateur portable par enfant) du gouvernement kenyan, la plupart des salles de classe (incluant celle-ci) sont dotées d’un nombre appréciable de tablettes. La salle résonnait de rires, de chuchotements et d’invectives jusqu’à ce que le professeur demande le silence et explique aux élèves qu’ils devaient se regrouper par deux ou trois pour utiliser la Trousse, avec une tablette par groupe. Dès le début de l’activité, j’ai pu constater la puissance de la technologie. Les 131 élèves ont été instantanément captivés et stimulés intellectuellement, permettant au professeur de déambuler dans la salle et d’aider les groupes qui avaient des questions ou des difficultés avec une activité.

Plus tard ce jour-là, alors que je visitais une autre salle de classe dans une autre école, c’est en regardant par la fenêtre que m’a été rappelé ce désir qu’ont les enfants d’apprendre par le truchement de la technologie. Des élèves collaient leur figure à la fenêtre pour voir à l’intérieur de la salle et regarder leurs amis se servir des tablettes. Il était clair que, pour chaque enfant de l’école, apprendre avec ces outils numériques était une joie plutôt qu’un fardeau. Après mes visites, les enseignants à qui j’ai parlé m’ont dit que depuis qu’ils utilisent la trousse d’apprentissage, et cela ne fait pas très longtemps, ils ont constaté une augmentation des présences lors des journées où ils avaient promis aux élèves qu’ils utiliseraient la Trousse, et que certains élèves avaient demandé s’ils pouvaient venir à l’école après les heures normales pour avoir plus de temps d’utilisation des tablettes.

Dans toute salle de classe, et à plus forte raison dans les salles surpeuplées et en manque de ressources, l’utilisation de la technologie comporte sa part d’embûches. D’un faible signal internet à de fréquentes pannes de courant, les obstacles inattendus associés à l’usage de la technologie dans des contextes marginalisés signifient que les professeurs doivent être toujours prêts à faire autre chose en cas de panne technologique. S’il manque des tablettes, les professeurs doivent pouvoir échelonner les activités de la trousse d’apprentissage avec d’autres travaux hors ligne.  Malgré ces difficultés, tous les enseignants rencontrés qui utilisaient la Trousse e m’ont dit que les bienfaits constatés dans l’apprentissage de leurs élèves l’emportent de loin sur les inévitables pépins technologiques.

 

Lors de son allocution à une activité de développement professionnel pour les enseignants à Mombasa, M. Boniface Okumu, directeur de comté de la Commission du service des enseignants, a exprimé sa sincère conviction de la nécessité d’intégrer les technologies de l’information au système d’éducation.

« Si nous voulons rendre nos écoles intéressantes et excitantes, il nous faut amener les technologies de l’information et des communications (TIC) dans nos salles de classe. Il est plus que temps que nous changions l’histoire de l’éducation dans le comté de la côte du Kenya. Le changement est possible, et ce changement débute avec vous et moi, en intégrant les TIC à  notre histoire. »

Tracey Evans est gestionnaire de programme à la Fondation Aga Khan Canada. Elle s’est rendue au Kenya pour visiter des projets réalisés dans le cadre du programme de la Fondation intitulé Renforcer les systèmes d’éducation en Afrique de l’Est (Strengthening Education Systems in East Africa). Ce programme a été mis en œuvre grâce à un partenariat entre les Académies Aga Khan et l’Université Concordia, avec le soutien financier d’Affaires mondiales Canada.