L’effet d’entraînement : Rameesha Qazi sur l’égalité entre les genres et le développement international

Les femmes et les filles représentent environ la moitié de la population mondiale . Lorsque vous leur donnez des moyens d’action, vous donnez également des moyens d’action à leurs foyers et à leurs communautés.

« Il y a un effet d’entraînement pour l’ensemble de la communauté, car de nouvelles idées sont entendues, diverses sources de revenus peuvent être créées, et des systèmes entiers peuvent changer », explique Rameesha Qazi.

Rameesha est responsable de l’égalité entre les genres à l’Agence Aga Khan pour l’habitat (AKAH). Elle aide l’AKAH à élaborer des politiques d’égalité entre les genres et des cadres de responsabilité et à intégrer l’égalité entre les genres dans ses programmes.

Avant de se joindre à l’AKAH, Rameesha a travaillé à la Fondation Aga Khan Canada, d’abord comme participante au Programme de stages pour jeunes en développement international, puis comme conseillère en matière de genre. Mais sa passion pour l’égalité entre les genres a commencé bien avant cela. Nous avons échangé avec elle pour en savoir plus sur son travail dans les domaines de l’égalité entre les genres et du développement international.


Vous êtes titulaire d’un diplôme en développement international, et vous préparez actuellement une maîtrise en études féministes et de genre. Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour l’égalité entre les genres?

Au secondaire, j’ai participé à de nombreuses activités extrascolaires à dominante masculine, comme la robotique. J’ai réussi à devenir capitaine d’équipe, mais il y avait toujours des conflits de pouvoir avec les garçons dans l’équipe. J’étais l’une des seules filles, et plusieurs n’acceptaient pas mon leadership. Je me souviens de m’être dit : « Ce n’est pas juste, les garçons occupent toute la place dans l’atelier, et les filles n’ont pas la chance d’y aller et d’apprendre à utiliser les machines ».

J’ai grandi dans un foyer musulman où mes parents n’étaient pas très traditionnels. Mais je voyais la dynamique au sein d’autres foyers et des différents groupes dont nous faisions partie, et ça me choquait. Pour mes parents, l’égalité entre mon frère et moi était très importante. Ils m’ont fait comprendre que ce n’est pas parce que je suis une fille que mon frère et moi devons être traités différemment.

En un mot, comment décririez-vous l’égalité entre les genres?

En termes simples, l’égalité entre les genres consiste à s’assurer que toutes les personnes, indépendamment de leur apparence ou de leur corps, ont les mêmes chances de réaliser leur potentiel et de prendre des décisions concernant leur vie.

Dans les programmes de développement, nous travaillons avec les communautés en vue de comprendre les causes profondes de l’inégalité et de la pauvreté et de trouver des solutions durables qui n’ont jamais été testées auparavant. Nous savons que les femmes et les filles sont généralement chargées de l’entretien du foyer, de l’approvisionnement en nourriture et en eau et de toutes ces activités, [donc] lorsque vous leur donnez du pouvoir, leurs foyers et leurs communautés se transforment.

J’ai travaillé sur un projet au Guatemala dans lequel on formait des femmes autochtones pour qu’elles deviennent des ingénieures en énergie solaire, et ces femmes n’étaient pas alphabétisées. Il a donc fallu trouver un établissement pour enseigner l’ingénierie solaire au moyen de techniques pratiques et de pictogrammes.

Ces femmes ont pu obtenir l’électricité dans leurs foyers et leurs communautés, et ont créé un tout nouveau système d’opportunités. Certaines d’entre elles ont ouvert des boutiques pour vendre les pièces nécessaires, et d’autres ont trouvé un emploi en ingénierie. Comme les foyers ont désormais l’électricité, les enfants peuvent étudier plus tard le soir, et leurs notes augmentent à l’école. Les femmes n’étaient pas obligées de limiter leurs activités à la journée et ont pu trouver des emplois à temps partiel. Les hôpitaux et les services ont pu rester ouverts plus longtemps, car ils n’avaient plus besoin de fermer leurs portes à la tombée de la nuit.

Rameesha offre une formation en égalité entre les genres à l’équipe en Syrie alors qu’elle était conseillère en égalité entre les genres pour la Fondation.

Selon vous, à la lumière des inégalités renforcées par la pandémie de COVID-19, comme le fardeau des soins pour les femmes, quels sont les plus grands défis à l’égalité entre les genres?

La COVID a réduit à néant une grande partie des progrès des dernières années, ce qui est réellement désolant. Il faudra du temps et de l’argent, et je pense que c’est l’une des choses auxquelles les donateurs ne pensent pas encore : comment récupérer le terrain perdu?

Un autre point est l’intersection entre l’égalité entre les genres et les changements climatiques, et tout type de conflit en fait. Nous devons comprendre les différents effets sur les femmes et les filles, les garçons et les hommes. Comment construire des ressources résilientes? Comment responsabiliser les gens et mettre en place des systèmes adaptables et durables?

Face à ces défis et menaces pour l’égalité entre les genres, quelles sont les opportunités que vous entrevoyez pour l’avenir de ce travail?

L’un des effets intéressants de la pandémie est l’explosion des contacts virtuels. Nous avons l’espace et la possibilité d’entendre des femmes leaders et des communautés auxquelles nous n’avions pas accès auparavant, et de découvrir leurs défis et leurs réussites.

Les organisations basées dans le Sud ont appris sans l’influence de l’Occident, et si elles peuvent nous transmettre leurs apprentissages et leurs meilleures pratiques, alors les organisations occidentales qui apportent l’argent à la table peuvent mieux faire leur travail et tirer profit des apprentissages des communautés. Il est essentiel que les communautés locales soient à l’origine des innovations, car elles vivent sur place et sont les spécialistes. Elles savent ce dont elles ont besoin et comment leurs systèmes doivent fonctionner pour être efficaces.

De plus, j’aimerais que plus d’organisations exploitent le bassin de jeunes qui s’intéressent aux problèmes mondiaux. Les médias sociaux nous permettent de recevoir énormément d’information en temps réel. Comment tirer parti de cette énorme ressource de jeunes et faire en sorte que leur pensée créative et leurs innovations puissent être mises à contribution?

Le monde connaîtrait énormément d’innovations si nous pouvions tous nous asseoir à la table et faire entendre notre voix. Parce que de trop nombreuses personnes continuent d’être ignorées, et leurs idées pourraient être très différentes de celles que nous avons essayées dans le passé. Alors pourquoi ne pas tenter le coup?

 

Vous avez également travaillé sur une ressource de soutien centrée sur les survivantes d’exploitation et d’abus sexuels avec Digna. Pourriez-vous nous parler un peu de ce travail?

Je suis une survivante de violence sexuelle, et mon histoire s’est déroulée à l’étranger alors que j’étais sous contrat. J’ai très vite réalisé que les ressources et les connaissances locales étaient limitées. À mon retour au Canada, j’ai parlé à d’autres survivantes qui travaillent également dans le domaine du développement international et j’ai compris l’importance d’avoir accès à des ressources en cas d’urgence.

Selon moi, il y avait un manque de cohérence au niveau de la gestion de l’information. Par exemple, dans le pays où je me trouvais, seuls les hôpitaux nationaux, et non les hôpitaux internationaux, étaient autorisés à administrer des trousses de viol ou à fournir des médicaments contre le VIH. Le système de paiement électronique ne fonctionnait pas tard le soir, et je devais donc avoir de l’argent liquide sur moi. Dans ce pays, il fallait remplir un formulaire de police avant d’aller à l’hôpital, sinon on ne pouvait pas en remplir un sur place.

Cette ressource vise à aider les organisations à créer une référence pour la survivante ou la personne qui l’accompagne, afin qu’elles aient certaines informations essentielles, comme « Cet hôpital peut-il me donner ce médicament? » ou « Ce médicament n’est pas disponible dans ce pays. Vous devriez vous le procurer avant de quitter votre pays ». Avec un peu de chance, cette ressource pourra également servir de base à l’élaboration des polices d’assurance d’une organisation, à la formation de ses agents de liaison et à la responsabilisation de l’ensemble du personnel et des parties prenantes, qu’il s’agisse de survivantes ou non.

Je ne suis pas la première personne à passer par là, et je sais que je ne serai pas la dernière. Mais j’espère que les futures survivantes seront mieux renseignées sur les ressources disponibles et sur les personnes à contacter en cas de besoin.

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes qui veulent s’engager et faire la différence?

C’est parfois décourageant; vous pouvez avoir l’impression de ne pas progresser. J’ai fait des stages non rémunérés pendant des années. Mais il faut savoir que le travail acharné finit par payer. Prenez soin de vous physiquement et mentalement.

Renseignez-vous sur le programme de développement international du Collège Humber et sur les stages de la Fondation. Les normes de l’AKDN sont assez élevées, mais nous veillons à ce que les stagiaires soient prêts à se mettre au travail. Vous serez sur le terrain, vous rencontrerez des membres de l’AKDN, vous verrez le travail formidable qui est fait et vous aurez un aperçu de ce qu’est le développement.

Rameesha (au centre à gauche) et les membres de sa cohorte de stagiaires. Crédit photo : Jean Morton / AKFC

Nous acceptons maintenant les candidatures pour la cohorte 2023-2024 du Programme de stages pour jeunes en développement international! Posez votre candidature au plus tard le 1er février 2023.