Leçons du Kenya : L’éducation va au-delà de la salle de classe

Aisha Abeid dirige le travail éducatif de la Fondation Aga Khan à Mombasa, au Kenya, en tant que coordonnatrice du comté, et contribue au travail éducatif plus large de l’AKF dans la région côtière et en Afrique de l’Est.

Aisha réfléchit à la façon dont l’expérience et les apprentissages d’AKF pendant la pandémie de COVID-19 sont toujours appliqués deux ans après la réouverture des écoles du Kenya après neuf mois de fermeture.

Les élèves et les enseignants jouent à des jeux pendant la récréation dans une école primaire au Kenya. Cette photo a été prise avant la pandémie de COVID-19. Crédit photo : Mohamed Altoum / AKFC

Aisha se souvient clairement du début de la pandémie, lorsqu’elle et son équipe ont appris que les écoles allaient fermer pour le reste de l’année. C’était en mars, quelques semaines seulement après le début de la nouvelle année universitaire.

« Nos parties prenantes étaient très impatientes de voir les écoles rouvrir après deux, trois semaines, se souvient Aisha. Nous étions en train de demander aux responsables du ministère de l’Éducation et de la Commission des services aux enseignants de produire du matériel sur la COVID-19 lorsque nous avons entendu la nouvelle de notre secrétaire de cabinet concernant la fermeture des écoles jusqu’à l’année [scolaire] suivante… Ce fut un choc. »

Experte en éducation et leader, Aisha savait qu’elle avait des moyens de soutenir l’apprentissage de ses enfants à la maison. Mais pour de nombreux parents au Kenya, ce n’était pas le cas.

« Nos plateformes de médias sociaux ont été inondées de parents qui disaient ‘Maintenant, je comprends le rôle de l’enseignant. Maintenant, j’apprécie davantage l’enseignante’ », explique Aisha.

Les parents étaient dépassés. Bon nombre d’entre eux étaient persuadés que leurs enfants devaient être à l’école pour apprendre. L’équipe d’AKF a donc décidé de collaborer avec les équipes d’éducation du comté de Mombasa et de Lamu, les enseignants, les parents et les élèves pour concevoir conjointement des kits de jeu d’apprentissage. Ces trousses de jeu visaient à offrir aux parents et aux enseignants des activités ludiques simples et faciles à faire pour soutenir l’apprentissage des enfants à la maison. Après un mois de conception, de tests et de refonte, ces outils d’apprentissage étaient prêts, avec près de 100 jeux et activités conçus au Kenya, pour les familles et les enfants kenyans.

Le kit de jeu d’apprentissage, conçu pour les enfants de 4 à 8 ans.

« Nous avons d’abord dû élaborer un processus pour l’élaboration des trousses. Dans un premier temps, nous avons cherché à impliquer les fonctionnaires du ministère de l’Éducation, qui sont responsables de notre nouveau programme d’études basé sur les compétences, déclare Aisha. Nous avons également obtenu le soutien de la Teacher Service Commission – nous avons travaillé en étroite collaboration avec les responsables du soutien aux programmes scolaires au Kenya… [et] nos enseignants et certains parents. »

Aisha a entendu des parents parler des répercussions de ces trousses de jeu sur leurs enfants, la vie familiale et la collectivité. Un parent a fait remarquer que les activités enseignaient à ses enfants à assumer davantage de responsabilités à la maison et aidaient davantage les tâches ménagères. Un autre parent expliquait que son enfant s’était inspiré d’une des activités pour surprendre son voisin – dont les parents étaient en confinement dans un autre pays – en lui offrant des friandises pour son anniversaire.

« À partir de là, dit Aisha, il était clair que nous étions sur la bonne voie. »

La trousse a été distribuée dans les 200 écoles gouvernementales de Mombasa et de Lamu. Les enseignants ont également dirigé la distribution des activités et des trousses de jeu au moyen d’affiches, de copies papier et même de WhatsApp. Les trousses de jeux ont également été présentés au ministère national de l’Éducation pour approbation, afin que tous les enfants du Kenya puissent y accéder.

Mais une fois que les écoles ont rouvert, les élèves ne sont pas tous retournés.

« Les taux de grossesse avaient augmenté dans le pays, certaines filles s’étaient mariées. De nombreux garçons s’étaient lancés dans de petits commerces, par exemple le boda boda, un service de transport des personnes en moto. Ils se disaient qu’ils n’avaient pas besoin d’aller à l’école, puisqu’ils gagnaient maintenant un peu d’argent », explique Aisha.

Ces réalités démontrent comment la pandémie a exacerbé les inégalités et les obstacles qui empêchent les enfants d’accéder à l’école et à l’apprentissage. Ces questions, comme les pressions économiques, les attentes socioculturelles, les normes de genre et l’impact sur les filles et les garçons, les enseignants et les parents, doivent être examinées dans une perspective multidimensionnelle.

« [Nous devons] définir les défis au sein de nos écoles et dans le contexte qui affecte les garçons et les filles. Nous savons que l’inégalité des filles est en hausse », déclare Aisha.

La compréhension de l’intersectionnalité de ces enjeux permet à la Fondation Aga Khan de concevoir conjointement des solutions tournées vers l’avenir pour permettre aux écoles et aux collectivités de remédier aux inégalités et de bâtir des systèmes d’éducation inclusifs et résilients.

Une mère lit à ses filles à la bibliothèque communautaire locale. Cette photo a été prise avant la pandémie de COVID-19. Crédit photo : Mohamed Altoum / AKFC

Ce fut une excellente occasion pour les enseignants et les parents d’embrasser le concept de l’apprentissage au-delà de la salle de classe, selon Aisha. Elle croit profondément en une approche plus holistique de l’éducation et collabore avec les enseignants et les parents pour y parvenir.

« L’éducation consiste à aider les enfants à acquérir des compétences, des connaissances, des valeurs et des attitudes, et cela ne signifie pas nécessairement que ces éléments ne peuvent être acquis qu’à l’école. Nous devons réellement aider nos enseignants à comprendre que l’éducation peut se faire en dehors de la salle de classe grâce au numérique. Et les parents doivent savoir qu’ils n’ont pas besoin d’avoir les mêmes pédagogies et les mêmes discours que les enseignants pour aider leurs enfants à apprendre. L’éducation, c’est aussi des conversations et des engagements quotidiens. »


Les trousses d’apprentissage ont été cofinancées par Affaires mondiales Canada, la Fondation LEGO et l’AKF.