À la Fondation Aga Khan, les conseillères et conseillers en matière de genre comme Nyambura Gathumbi sont essentiels pour garantir que l’égalité entre les genres demeure une composante essentielle de la programmation et de la culture organisationnelle.
Nous avons discuté avec Nyambura Gathumbi pour en savoir plus sur son travail à la Fondation Aga Khan, sur ses sources d’inspiration et sur ses espoirs pour l’avenir de l’égalité entre les genres.
Que faites-vous à la Fondation Aga Khan?
Je travaille en tant que conseillère régionale en matière de genre depuis novembre 2020. Je suis basée en Afrique de l’Est, et mon bureau se trouve à Nairobi. Je soutiens l’égalité, l’intégration et la prise en compte du genre dans tous les programmes en Afrique de l’Est. Principalement, je soutiens le programme Fondations pour l’éducation et l’autonomisation (F4EE), qui travaille surtout dans deux secteurs : l’éducation, où je soutiens des programmes qui tiennent compte du genre pour les intervenants au niveau de l’éducation et des écoles, et la promotion de l’égalité entre les genres par le biais de la société civile, où je me concentre sur la fourniture d’un soutien financier et technique aux organisations de femmes et d’égalité entre les genres dans le but de produire une programmation de genre transformatrice. Le programme F4EE est actif au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, à Madagascar et au Mozambique.
Je soutiens également le renforcement institutionnel de l’égalité entre les genres, en aidant l’organisation à mettre en œuvre des politiques connexes, en soutenant la conception de programmes, en veillant au respect et à la sécurité des personnes et en effectuant des analyses de genre.
Où avez-vous travaillé dans le monde?
Avant de rejoindre la Fondation Aga Khan, j’ai travaillé en tant que responsable régionale de programme en Afrique orientale et australe – Kenya, Ouganda, Tanzanie, Zimbabwe, Zambie, Mozambique et Malawi. J’ai également travaillé dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest, notamment au Mali, au Niger et au Nigeria. Mais j’ai toujours été basée au Kenya et je me suis rendue dans ces pays pour mon travail.
Qu’est-ce qui a déclenché votre passion pour l’égalité entre les genres? Comment avez-vous débuté dans ce domaine?
J’ai commencé quand j’étais encore à l’université, lors du lancement des 16 jours d’activisme au Kenya, qui a eu lieu en 1998 je crois. De nombreuses femmes et jeunes filles ont participé à cette campagne, et c’est ainsi que j’ai commencé à m’intéresser aux questions de genre. Lorsque j’ai terminé mes études, j’ai rejoint un groupe de jeunes femmes qui voulaient travailler sur la santé et les droits sexuels et reproductifs. Nous organisions des groupes de femmes et de filles dans la communauté pour discuter et partager des informations.
Nous nous sommes associés avec des organisations locales qui faisaient ce genre de travail, et elles nous ont donné une formation et du matériel pour travailler. Nous parlions de la scolarité et des problèmes qui affectaient leur participation à l’école, comme la menstruation, et à partir de là, je n’ai plus jamais regardé en arrière. J’ai toujours été dans des espaces où l’on discutait du genre et des droits des femmes, et c’est ainsi que ma passion s’est développée à partir de ce type d’activisme.
Comment expliqueriez-vous l’égalité entre les genres?
Pour moi, le concept est très simple. Il s’agit d’examiner les obstacles qui empêchent les femmes et les filles de jouir de leurs droits et de vivre pleinement leur vie, comme le font les hommes et les garçons. Certains problèmes empêchent les femmes d’accéder aux opportunités, aux ressources et aux informations dont elles ont besoin pour prendre des décisions concernant leur vie. Voilà certains des éléments qui font l’objet de discussions sur l’égalité entre les genres. Ainsi, lorsque les gens comprennent ces obstacles et sont prêts à faire quelque chose pour faciliter la situation des femmes, on peut parler d’égalité entre les genres.
Quel est le projet d’égalité entre les genres dont vous êtes le plus fière?
Je suis particulièrement fière des projets qui ont transformé la vie des femmes. Par exemple, j’ai travaillé comme mentore dans une institution pour jeunes femmes au Kenya qui formait les filles au leadership et au développement des compétences. En tant que mentore, j’ai dû consacrer du temps aux filles pour discuter de leurs rêves et de leurs aspirations, afin de renforcer leur confiance en elles et de leur permettre d’accéder à des postes de direction.
Un des programmes pour lesquels j’ai travaillé avait une approche très complète : il accueillait des filles issues de milieux défavorisés et leur offrait des bourses pour aller au secondaire et à l’université. Et pendant ces études, le programme a mis en place du mentorat pour veiller à ce que les filles poursuivent leurs études et soient rattachées à des institutions au sein desquelles elles pourraient faire une différence. Selon moi, cette initiative était très transformatrice et avait un impact sur la création de jeunes femmes leaders visionnaires au Kenya.
Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui souhaitent travailler dans le domaine de l’égalité entre les genres?
Je leur dirais qu’il y a une forte demande pour leur énergie, leur passion, leurs rêves, car l’inégalité entre les genres est omniprésente. Je dis toujours aux gens que l’inégalité entre les genres est une réalité que nous vivons tous les jours de notre vie en raison de la nature de la société. Chaque jour, une fille ou une femme vit quelque chose qui n’est ni juste ni correct. Les personnes désireuses de changer les choses ont besoin de leur énergie, de leur vision, de leur temps pour parler aux gens, pour soutenir les femmes, pour les aider à se sortir de toutes sortes d’autres situations, dont la violence.
Il est également important d’entrer en contact avec vos collègues et d’autres personnes qui travaillent en égalité entre les genres et d’écouter la voix des autres.
Quel est le plus grand défi que les professionnels de l’égalité entre les genres devront relever au cours des cinq à dix prochaines années?
Certains défis ont toujours existé, comme le manque de ressources et le patriarcat, et de nombreuses personnes ont encore du mal à parler de ce que les femmes entendent par égalité entre les genres et refusent de voir l’injustice en face. Et maintenant, avec ces dynamiques que nous voyons dans le monde, comme les défis qui entourent la COVID-19, le changement climatique et leurs effets sur les communautés et les familles, le fossé des inégalités se creuse. Et lorsque nous parlons d’inégalité, nous savons que les femmes se trouvent au cœur du problème. Le peu de fonds consacrés au travail sur l’égalité entre les genres a également été détourné vers les interventions d’urgence, comme la COVID-19 et l’adaptation au changement climatique.
Ces défis mondiaux ont un impact sur les femmes à un niveau très local, et de nombreuses personnes n’en ont pas conscience. Nous devrons multiplier les analyses, la communication et le plaidoyer pour nous assurer que les problèmes des femmes sont pris en compte dans les futurs cadres de travail. Nous devons nous assurer que les femmes sont entendues et qu’elles ont accès aux ressources disponibles au niveau local.
Quel est votre plus grand espoir pour l’avenir?
Mon grand espoir pour l’avenir est que nous puissions transformer notre façon de penser et changer notre mentalité à l’égard des femmes, des filles et des questions de genre. Je trouve que c’est un peu décourageant de voir que nous en sommes toujours là après toutes ces années de plaidoyer et de campagnes, et après avoir essayé d’amener les communautés et les décideurs à voir les problèmes tels qu’ils sont.
Certains des enjeux s’aggravent, comme la violence envers les femmes et la violence psychologique. Pourquoi cela se produit-il? Nous avons toujours été confrontés à ces problèmes. Je pense donc que nous devons vraiment transformer notre façon de les aborder, notre façon de communiquer, afin que tout le monde puisse s’exprimer clairement et faire le lien entre les enjeux qui touchent les femmes et le manque de valeurs sociétales et de conscience en matière de justice et de droits.
Cet entretien a été révisé et abrégé à des fins de clarté.
lire la suite
|