Entretien avec Zohra Bano, conseillère régionale en matière de genre, Fondation Aga Khan

À la Fondation Aga Khan, les conseillères et conseillers en matière de genre comme Zohra Bano sont essentiels pour garantir que l’égalité entre les genres demeure une composante essentielle de la programmation et de la culture organisationnelle.

Nous avons discuté avec Zohra afin d’explorer son travail à la Fondation Aga Khan, ce qui l’a inspirée à poursuivre une carrière en égalité entre les genres et ses réflexions sur l’égalité et le développement.


Que faites-vous à la Fondation Aga Khan?

Depuis décembre 2020, je suis la conseillère régionale en matière de genre pour le projet Fondations pour la santé et l’autonomisation (F4HE). Mon rôle consiste à fournir une assistance technique aux pays, notamment l’Afghanistan, le Tadjikistan, le Kirghizistan, l’Inde et le Pakistan, en assurant l’intégration du genre dans les trois composantes du projet F4HE : 1) Fondation pour les enfants (F4C), 2) Fondation pour la santé (F4H) et 3) Faire progresser l’égalité entre les genres par la société civile (AGECS). Je travaille donc étroitement avec les équipes nationales, l’équipe régionale et l’équipe mondiale pour intégrer et garantir l’égalité entre les genres tout au long du cycle du projet.

Où avez-vous travaillé dans le monde?

J’ai travaillé pour quelques donateurs, agences internationales et institutions financières. J’ai commencé ma carrière au PNUD, puis je suis passée à une société internationale allemande, avant de rejoindre l’UNICEF. J’ai également travaillé pour Oxfam Grande-Bretagne, ONU Femmes, la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et le gouvernement du Pakistan.

J’ai principalement travaillé au Pakistan, mais j’ai participé à la programmation et à la gestion de programmes dans d’autres pays, notamment au Myanmar, au Yémen, en Malaisie, en Inde, au Bangladesh et au Népal, dans le cadre de programmes pluriannuels et multinationaux.

Zohra a participé à un atelier de développement de propositions axé sur la conception centrée sur la personne. Crédit photo : Zohra Bano
Qu’est-ce qui a déclenché votre passion pour l’égalité entre les genres? Comment avez-vous débuté dans ce domaine?

Ma formation est axée sur le genre et le développement. Je suis originaire du Hunza, une région dans le nord du Pakistan qui s’est développée en partie grâce aux interventions du Réseau Aga Khan de développement (l’AKDN). Je vois donc l’AKDN comme faisant partie de mon propre processus de développement. En grandissant, je voyais mon père, qui travaillait sans relâche pour le développement communautaire – pour le développement des femmes, des hommes et des jeunes dans ma région du Pakistan. C’est cela qui m’a inspirée à m’engager et à faire ma part. J’ai choisi d’étudier les droits de la personne, puis de me spécialiser dans les études de genre.

Comment expliqueriez-vous l’égalité entre les genres?

L’égalité entre les genres, c’est lorsque les femmes et les hommes, quelle que soit leur identité, jouissent des mêmes droits. Ils ont le droit et le pouvoir de prendre des décisions concernant leur vie et de la mener comme ils le souhaitent. Ce n’est pas vraiment le résultat d’une éducation ou d’opportunités économiques particulières, mais plutôt quelque chose de très large.

Par exemple, où qu’ils naissent, tous les bébés ont le même droit de venir au monde. Mais en Asie, nous avons des cas de mutilation génitale féminine et d’infanticide féminin. L’égalité entre les genres est donc un droit fondamental qui permet aux hommes, aux femmes, aux garçons et aux filles de tous horizons, indépendamment de leur origine ethnique, religieuse ou socio-économique, d’avoir accès aux opportunités et de prendre leurs propres décisions. Ils peuvent également faire partie d’une société démocratique.

De quel projet d’égalité entre les genres êtes-vous le plus fière?

J’ai travaillé sur des projets axés sur la vérification de l’égalité entre les genres, l’autonomisation économique, la santé, l’éducation, la résolution de conflits, le renforcement de la résilience, le changement climatique, pour ne citer que quelques domaines. Mais j’ai vraiment apprécié une expérience de travail pour un projet financé par l’Union européenne, qui portait sur les minorités et l’harmonie religieuse dans la région de l’Asie du Sud, « I Am One, I Am Many ». Ce projet était basé sur l’idée que chaque individu possède de multiples identités et a ainsi le droit de vivre comme la majorité. Il était axé sur les droits des minorités religieuses, des femmes, des filles et des garçons, et d’autres groupes socialement exclus. Le projet a fourni aux groupes cibles des occasions de créer un système harmonieux dans la région et de vivre dans la sécurité et la dignité.

Zohra dirige un atelier. Crédit photo : Zohra Bano
Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui souhaitent travailler dans le domaine de l’égalité entre les genres?

L’égalité entre les genres est étroitement liée à la socialisation d’une personne ou d’un individu. Nous sommes tous éduqués dans un contexte précis qui contribue à définir nos perceptions, nos attitudes, nos pratiques, notre caractère, notre personnalité, notre vision, c’est-à-dire les lunettes à travers lesquelles nous voyons la société et les autres. Pour travailler dans ce domaine, il faut provoquer un changement de paradigme dans les façons de penser, ce qui nécessite une lutte et une négociation constantes.

Je vous conseille donc de comprendre, de réaliser et de créer le changement au niveau personnel en réfléchissant, en repensant, en discutant, en déballant et en développant le sujet, afin de contribuer à briser les stéréotypes liés au genre, à éliminer les préjugés et à atteindre la parité entre les hommes et les femmes. Cependant, le changement ne se fait pas en un jour – le travail sur l’égalité entre les genres exige des efforts constants et de la passion.

Quel est le plus grand défi que les professionnels de l’égalité entre les genres devront relever au cours des cinq à dix prochaines années?

Le discours sur le genre est un phénomène évolutif et changeant, et il diffère d’un groupe à l’autre, d’un âge à l’autre, d’un contexte à l’autre, d’un moment à l’autre. Selon moi, un des défis consistera à anticiper, voir et accepter l’autonomisation des femmes à tous les niveaux (privé et public) avec ouverture d’esprit. Un autre défi pourrait être d’accueillir et d’accepter de nouvelles personnes, en particulier de jeunes garçons avec de nouvelles idéologies sur l’égalité entre les genres et l’autonomisation des femmes. Travailler avec des garçons plutôt qu’avec des hommes de plus de 40 ans qui ont souvent leurs idées préconçues et difficiles à modifier pourrait être un autre type de défi. Par conséquent, pour atteindre l’égalité entre les genres et l’autonomisation des femmes, il faut absolument engager les hommes de tous âges.

Quel est votre plus grand espoir pour l’avenir?

Mon grand espoir pour l’avenir est que nous puissions vivre dans une société diversifiée qui encourage le pluralisme et l’acceptation des différences. L’acceptation de la diversité et du pluralisme est précieuse et constitue une pierre fondatrice de l’égalité, et le manque d’acceptation alimente le conflit, la disparité et l’inégalité.

 

Cet entretien a été révisé et abrégé à des fins de clarté.

 

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